« Plusieurs contestations ont déjà été faites par le passé »
- Par Aïcha NSANGOU N.
- 02 sept. 2020 12:12
- 0 Likes
Dr Patrice Ongono, économiste.
Comment réagissez-vous à l’annonce de la suspension pour la première fois en 17 ans de la publication du rapport Doing Business de la Banque Mondiale ?
Cette suspension suscite deux types de réactions au moins. La première est qu’elle pourrait réduire la crédibilité que les acteurs économiques (notamment les investisseurs) accordent aux indicateurs publiés par les organisations internationales, et qui sont utilisés comme des outils d’aide à la décision en matière d’orientation et de localisation des investissements. Cette perte de crédibilité est renforcée par le fait que plusieurs contestations ont déjà été faites par le passé (non seulement par les gouvernements, mais aussi par les économistes de la Banque Mondiale eux-mêmes) sur le classement de certains pays dont la note avait été injustement rétrogradée. La seconde réaction est que cette suspension sonne comme un signal fort donné par cette institution de Bretton Woods en faveur d’un changement radical de cap pour améliorer l’objectivité et renforcer la crédibilité des publications de la Banque mondiale en général et du rapport Doing Business en particulier. Le Rapport 2020 qui est querellé aujourd’hui aurait pu être publié avec ses irrégularités actuelles que très peu de personnes se seraient rendu compte, et que les investisseurs et les gouvernants s’y seraient appuyés pour prendre leurs décisions en matière d’investissements et de réformes économiques respectivement. Les économistes et les statisticiens savent très bien que le calcul des indices synthétiques comme celui du Doing Business incorporent toujours une marge d’erreur, et révéler certaines de ces erreurs ne signifie pour autant pas que l’indice en question est dénué de toute pertinence.
La remise en cause de fiabilité des données dans les rapports querellés n’apporte-t-elle pas de l’eau au moulin de ceux qui critiquaient déjà les méthodes de collecte pour ces rapports ?
Evidemment que cela apporte de l’eau au moulin de ceux qui critiquent depuis des années déjà les rapports Doing Business et les autres classements internationaux des pays. Mais, il ne faudrait pas qu’on fasse l’erreur de plonger dans une critique qui nous ferait renoncer à la mise en œuvre des réformes nécessaires pour améliorer notre environnement des affaires, d’autant plus que les irrégularités n’ont été révélées que pour 4 pays selon le Wall Street Journal. Certains pays occupent des rangs pas très honorables dans les classements internationaux simplement à cause de la faiblesse de leurs systèmes nationaux de statistique. Les données utilisées par les organisations internationales comme la Banque mondiale proviennent généralement du système statique national. On peut critiquer la méthode de calcul, mais on ne peut pas contester les données. Chaque pays peut construire avec une méthodologie différente un indicateur de facilitation à faire les affaires, mais il n’est pas certain que les résultats (les scores) qu’on obtienne soit fondamentalement différent de celui du rapport Doing Business. Les gouvernements des pays africains devraient donc mettre des moyens conséquents pour renforcer les capacités des instituts nationaux de statistique afin qu’ils puissent produire des données fiables et construire des indicateurs alternatifs de suivi-évaluation des réformes engagées.
Est-ce que la fièvre réformatrice ne va pas retomber pendant cette période indéterminée d’enquête ?
Il n’est nullement de l’intérêt du Cameroun d’arrêter les réformes pouvant permettre d’améliorer l’environnement des affaires. Si cette fièvre retombe, cela signifie que les réformes en cours d’implémentation ne sont pas structurelles, mais qu’elles sont plutôt conjoncturelles et visent simplement à satisfaire les exigences de la Banque Mondiale. Les premiers bénéficiaires des réformes ce sont d’abord les Camerounais (ménages et entreprises). Les réformes ne sont pas seulement implémentées pour attirer les investisseurs étrangers ; elles doivent aussi favoriser l’éclosion d’un secteur privé domestique dynamique et compétitif. Compte tenu des retards que nous avons accusés durant la première phase de mise en œuvre de la vision 2035, les réformes doivent même être renforcées et leur rythme de mise en œuvre mérite d’&...
Cet article complet est réservé aux abonnés
Déjà abonné ? Identifiez-vous >
Accédez en illimité à Cameroon Tribune Digital à partir de 26250 FCFA
Je M'abonne1 minute suffit pour vous abonner à Cameroon Tribune Digital !
- Votre numéro spécial cameroon-tribune en version numérique
- Des encarts
- Des appels d'offres exclusives
- D'avant-première (accès 24h avant la publication)
- Des éditions consultables sur tous supports (smartphone, tablettes, PC)
Commentaires