Un bébé, mais pas à tous les prix

Entre 2016 et 2022, 300 enfants sont venus au monde au Cameroun, spécifiquement au Centre hospitalier de recherche et d’application en chirurgie endoscopique et reproduction humaine Paul et Chantal Biya (Chracerh), grâce à des techniques d’assistance médicale à la procréation. En l’absence de données émanant des autres formations sanitaires du territoire national pratiquant la procréation médicalement assistée ou PMA, il est difficile de donner le nombre total de ces enfants en rapport avec les naissances globales dans le pays. Au demeurant, du fait des premiers succès de cette médecine de pointe, les différents centres spécialisés en reproduction humaine, le Chracerh particulièrement, font face à une poussée de la demande. En provenance non seulement de différentes contrées du triangle national, mais aussi des pays voisins et de plus loin encore : Europe, Amérique. Avec des cas ancrés dans la mémoire comme ceux de Suzanne Mangoua, primipare de 62 ans, et de cette autre jeune maman de 57 ans, le nombre de femmes âgées entre 50 et 60 ans a augmenté dans les consultations.  
En l’absence d’un cadre légal spécifique, les services de PMA ont vu apparaître de nombreuses curiosités dans le circuit : en dehors des femmes de plus de 65 ans, des célibataires, des couples d’amis et d’autres non mariés. Dans le traitement de ces demandes, les professionnels de la santé n’avaient que leurs conscience et leur ressenti, les règles de bioéthique imposées à tous les scientifiques de par le monde aussi, pour arbitrer. A l’époque du cas Mangoua, l’Administrateur directeur général du Chracerh, le Pr. Jean Marie Kasia, prévenait déjà dans une interview parue dans nos colonnes que « ce n’est pas certain qu’on va continuer ce genre de chose, parce que c’est assez délicat pour les patientes et les bébés. Il y a juste que lorsque ces gens dans le besoin viennent à nous, on ne peut pas rester insensible à leur souffrance. Nous l’avons fait aussi en raison du vide juridique. Mais nous n’allons pas dupliquer cela, parce que les parents doivent avoir le temps de vivre pour élever leurs enfants et en faire des hommes. » Autre question sur laquelle le Cameroun ne s’était pas prononcé dans le sillage de la PMA : les dons de sperme. Dans les pays où l’on a légiféré sur la question, des banques de spermes existent. Chez nous, en attendant la loi, les praticiens utilisent des démarches particulières s’appuyant sur des données scientifiques pour pouvoir obtenir des dons gratuits et anonymes. Cependant, l’exercice n’est pas aussi simple, relèvent les spécialistes.
Il n’est donc pas surprenant que le projet de loi n° 2024/PJL/AN adopté par le parlement au cours de la session qui s’achève ait pour but de fixer les règles destinées à encadrer désormais l’exercice de la procréation médicalement assistée dans le pays. Le dispositif législatif qui n’attend plus que l’étape de la promulgation, vise à apporter une réponse juridique à la forte demande parentale de couples, mais aussi un encadrement normatif en termes de règles et procédures à observer par les praticiens du domaine. En outre, il met l’accent sur un certain nombre de principes. Entre autres, le respect de la vie et de la dignité de l’être humain, des règles bioéthiques et déontologiques, de la personnalité et de la famille. Ainsi, le texte de loi envisage d’ouvrir la PMA aux couples, hommes et femmes, vivants et âgés d’au moins 21 ans. La femme peut prétendre à cette technique médicale avancée jusqu’à 55 ans, tandis qu’aucune limite d’âge n’est fixée pour l’homme. Les demandeurs doivent être en outre mariés. Si ce n’est pas le cas, leur communauté de vie doit être attestée par un rapport d’enquête sociale dont les modalités sont précisées par voie règlementaire. De plus, les activités cliniques et biologiques de PMA ne peuvent être pratiquées que dans des établissements de santé dédiés et suivant des modalités précises. Le projet de loi indique également les personnes habilitées à exercer des activités cliniques et biologiques de PMA au Cameroun. De même, des chapitres sont consacrés aux rapports entre les bénéficiaires et les Centres de PMA, au matériel reproductif humain, aux effets de la PMA sur la filiation, aux interdictions, sanctions administratives et pénales. Sur ce dernier point, le législateur a l’intention d’avoir la main lourde en cas de violation de la loi. A titre d’exemple, celui ...

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