Biblio : ce que femme vit…

Halla, personnage principal, est déjà vieille quand le livre commence. Elle a pour projet de mettre par écrit la vie de Tante Roz, femme admirable et généreuse, résistante au moment de la guerre d’indépendance du Cameroun. Tante Roz se refuse cependant à lui livrer ses souvenirs. C’est ainsi que débute l’incursion d’Halla dans sa propre mémoire, afin de la livrer, en miroir de sa vie chaotique. Mais pas seulement. « La mémoire amputée » retrace aussi les histoires d’une longue lignée de femmes bassas, une des ethnies des régions du Centre et du Littoral au Cameroun. De multiples histoires imbriquées, violentes, méconnues dont on ne ressort pas indemne. Ce roman dense pas seulement par ses 420 pages, est un témoignage fort sur les violences physiques et sexuelles subies par les femmes ainsi que sur l'Histoire tourmentée de l'Afrique post-coloniale. Attention : certains passages peuvent être insupportables à lire pour les âmes sensibles.
Par ce roman largement biographique, Werewere-Liking, écrivaine prolixe et artiste pluridisciplinaire, livre un ouvrage foisonnant et somptueux. L’auteur l’a écrit pour toutes les femmes qui se sont tues. Elle le décrit comme « un chant-roman qui entend arracher au passé « quelques bribes d’une Histoire sans archives » : une Histoire des femmes et de l’Afrique, réduites au silence. Werewere-Liking veut également son roman un plaidoyer poétique pour une parole libératrice, une injonction énergique à trouver en soi la force créatrice pour survivre aux abus, un chant de solidarité intergénérationnelle. De ce fait, il célèbre la puissance créatrice des femmes, des survivantes.
Écrit en 2002 dans une langue maniée avec brio et invention, édité par NEI en Côte d'Ivoire, « La Mémoire amputée » reçoit le Prix Noma en 2005. Le souffle poétique qui traverse ce roman en faisant une œuvre magistrale de la littérature contemporaine attire certainement les éditions Les Prouesses, qui le publie en ...