Biblio : quand Soyinka retourne à la fiction

« Chroniques du pays des gens les plus heureux du monde » est le troisième roman de l’écrivain nigérian âgé de 90 ans.

Le roman pose le cadre d'un Nigeria imaginaire dans lequel la corruption, la vénalité et le marketing ont permis à une petite élite sans scrupule de gangréner toutes les instances du pouvoir. Dans un environnement chaotique et effrayant, Wole Soyinka met en scène de nombreux personnages, apparaissant sous différentes identités ou titres. Parmi les plus importants, Papa Davina, un prédicateur aspirant au statut de prophète et Godfrey Danfrere, le Premier ministre, aussi appelé Sir Goddie. Ils s'entendent comme larrons en foire. Comme le dit celui-ci à celui-là : « Vous c'est la face spirituelle ; moi c'est la politique. Le point de rencontre, c'est le business ». En l'occurrence, un trafic très lucratif d'organes, de membres amputés et de chair humaine en tous genres. Deux autres personnages, mieux intentionnés, enquêtent sur ces pratiques et bousculent l'ordre établi : un ingénieur, Duyole Pitan-Payne, et un chirurgien, Kighare Menka. Une démarche à haut risque !
Sur plus de 500 pages d’un très long exercice de style éclairé par quelques anecdotes croustillantes, Wole Soyinka dénonce la corruption, la paupérisation de la population et divers maux sociaux. L’ouvrage est dur, parfois un peu tortueux, et tout le temps admirable. On le dévore pour savoir si tout cela finira bien pour ses protagonistes si sympathiques, malgré le contexte extrêmement négatif. Certaines phrases sont vraiment drôles, des traits magnifiquement décochés. La peinture de cette société à peine caricaturée dans ses excès est féroce et pourrait être jubilatoire. En dépit de son âge, 90 ans, Wole Soyinka, premier Africain à recevoir le prix Nobel de littérature en 1986, ne ...

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