Dissensions à la Cedeao : des leçons pour l’Afrique

Les juntes militaires au pouvoir au Mali, au Niger et au Burkina Faso, qui ont sortis leurs pays de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) officiellement le 29 janvier 2025, accepteront-elles, à terme, de réintégrer l’organisation sous-régionale, après les missions de médiation qui se multiplient, la dernière étant celle du président ghanéen, John Dramani Mahama reçu dans les capitales de ces pays il y a moins d’une semaine ? Difficile de répondre par l’affirmative car la volonté de l’hôte ghanéen de « détendre un contexte constipé et créer un dégel diplomatique, marchepied vers une persuasion de retourner dans la Cedeao » intervient au moment où les dissidents sont allés assez loin en tant que partenaires stratégiques dans le cadre de leur nouveau regroupement en rupture idéologique avec la Cedeao. Cette nouvelle entité, c’est l’Alliance des États du Sahel (AES) créée le 16 septembre 2023 sous la forme d’un bloc de défense mutuelle afin de contrer une éventuelle intervention militaire de la Cedeao qui exige toujours le retour rapide à l’ordre constitutionnel, suite aux différents coups d'État au Mali en août 2020 et mai 2021, au Burkina Faso en 2022 et au Niger en 2023. 
 L'AES a même annoncé avoir aussi mis en circulation son propre passeport. Ainsi, ses ressortissants pourront continuer d'utiliser leur document de voyage de la Cedeao au sein de l'AES jusqu'à la fin de sa validité. Des relations ont par ailleurs été renforcées avec des puissances étrangères non occidentales à l’instar de la Russie, comme pour montrer que les trois dirigeants sont déterminés à aller jusqu’au bout de leurs ambitions et n’entendent pas reculer d’un iota.  Le Mali, le Niger et le Burkina Faso sont frappés par des sanctions économiques (gel des comptes, embargo partiel) et politiques (suspension) prises par la Cedeao après les coups d’État. Refusant de rendre sans délai le pouvoir aux civils, les nouveaux dirigeants avaient justifié le 28 janvier 2024 leur décision de se retirer de l’organisation sous-régionale, avec effets immédiats, en pointant l’« alignement pro-occidental » de celle-ci, notamment la manipulation dont elle ferait l’objet de la part d’une puissance étrangère, puis, son soutien aux « gouvernements illégitimes » qui étaient en place avant les coups d’État et enfin, son « inefficacité face à l’expansion des groupes terroristes ».                                                                                                     
Toutefois, même si le retrait est consommé à ce stade, deux précédentes médiations (Togo et Sénégal) ayant fait chou blanc avant celle du président ghanéen, un retournement spectaculaire de la situation n’est guère à exclure définitivement. La réaction de Bamako, qui était samedi dernier la première étape de la tournée du président ghanéen, laisse en tout cas entrevoir un possible rétropédalage si et seulement si certains préalables viendraient à être réunis. Plusieurs sources médiatiques rapportent à ce sujet que « les autorités maliennes ont rappelé leurs conditions : la levée immédiate des sanctions de la Cedeao ; la reconnaissance des gouvernements de transition comme légitimes et la révision des accords de défense avec les puissances étrangères ». Avant de conclure que « nous écoutons nos frères ghanéens, mais notre souveraineté n’est pas négociable ». 
Dans cette perspective, les observateurs estiment que pour rétablir le pont entre l’AES et la Cedeao, celle-ci doit faire des concessions majeures, au risque de fouler au pied ses propres règles et valeurs (Protocole additionnel de 2001 sur la bonne gouvernance et la démocratie), le minimum étant d’accepter des transitions prolongées. À n’en point douter, la scission qu’on déplore entraîne la réduction de la superficie de la Cedeao, puis de son poids politique, économique et démographique. L’organisation passe ainsi de 15 à 12 pays-membres avec deux blocs rivaux se regardant en chiens de faïence : le bloc AES (trois pays) avec près de 60% du territoire global de la Cedeao et le bloc qui reste, composé désormais des États du littoral (12) étendu sur environ 40% du territoire originel, d’après une note d’analyse publiée par la Fondation Friedrich Ebert en avril 2024. 
Au demeurant, cette multiplication des regroupements sur un même espace géographique est une mauvaise nouvelle pour l’Afrique. Quelques enseignements peuvent d’ailleurs en être tirés. Le premier est que le continent africain, où pullulent des États lilliputiens a, dans son ensemble, un faible poids politique, économique, technologique et militaire qui engendre sa marginalisation sur l’échiquier international. Cependant, en dépit de cette situation, l’Afrique semble n’avoir pas encore compris que seule son union fera sa force face aux grandes puissances en compétition (Chine, États-Unis, bloc de l’Union européenne). Dans le nouvel ordre qui émerge, marqué par un jeu de positionnements où la loi du plus fort semble être de retour, on voit comment l’Union européenne multiplie des réunio...

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