Le pari de la paix

La sagesse populaire le dit avec malice : « Attention à ce que vous demandez car vous pourriez bien l’obtenir ! » Depuis des mois, la pression est forte sur le gouvernement de la République de la part de l’opposition politique, des cercles diplomatiques, et même, curieusement, des sécessionnistes dont la radicalisation a créé la crise actuelle, pour organiser un dialogue « sans conditions », « inclusif », afin de mettre un terme à la crise qui secoue le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. Cette pression multiforme est sous-tendue par un préjugé : le pouvoir est hostile au dialogue et aurait fait le choix d’une solution militaire plutôt que politique. Ce en dépit de faits, de déclarations et d’actes du président de la République qui démontrent le contraire. Mais comme un père qui tend les bras aux enfants prodigues de la République malgré qu’ils aient cassé les joyaux familiaux, Paul Biya va encore plus loin dans l’offre de réconciliation, et annonce solennellement l’avènement du Grand dialogue national sans exclusive, dès la fin de ce mois de septembre. Pour les Camerounais de bonne volonté, et pour ceux dont cette insurrection violente a brisé la vie, c’est une promesse de bonheur inespérée, un espoir palpable, un véritable pari pour la paix, face au pari de l’insoumission des sécessionnistes, face aux crises.

Il faut dire que cette annonce présidentielle est à la hauteur du suspense que son message à la nation a suscité. On peut comprendre en effet la fébrilité, et parfois l’hystérie, qui ont traversé la planète médiatique, les réseaux sociaux, la rue, les villes et les villages du Cameroun, à l’annonce d’une allocution radio-télévisée du président de la République. Depuis le déclenchement des troubles et violences dans le Nord-Ouest et le Sud- Ouest, et les incertitudes que cette situation génère, la parole présidentielle était fantasmée, scrutée, espérée, attendue. Parce que le président de la République est le point d’ancrage de toute la vie politique. Déboussolée, la population était en quête d’explication, de sens et de perspective, devant le spectacle des atrocités des bandes armées et le martyre des innocents.

Comme un chef de famille à l’écoute, impitoyable envers les criminels mais convaincu que seul le dialogue peut colmater les brèches et réparer les fractures, le chef de l’Etat a donc tranché : il faut conduire toute la famille sous l’arbre à palabres et exorciser les démons de la division. Ouvrir les plaies béantes, pour mieux les cautériser. Ecouter les victimes, les bourreaux, et toutes les âmes de bonne volonté, afin de trouver un consensus et sauvegarder l’avenir commun.

En faisant ce choix capital, Paul Biya est également guidé par son empathie envers toutes les victimes collatérales d’une guerre absurde : les morts, les blessés, les mutilés, les déplacés, les ruinés se comptent par milliers. Sans oublier l’anéantissement des espoirs de développement de toute une région. Mais si cette décision arrive à ce moment précis, trois ans après le déclenchement de la crise, Paul Biya n’est resté ni indifférent ni inactif. Loin s’en faut. Tout le monde peut en convenir : ses offres de dialogue précédentes n’ont pas porté les fruits escomptés, sabordés par certains politiciens, qui entendaient agréger tous les mécontentements sociaux, et une certaine diaspora, dont la rhétorique haineuse sur les réseaux sociaux et le choix de financer les bandes armées ont enflammé le conflit.

Tout compte fait, on constate que la crise actuelle s’est également nourrie des intuitions trop faciles de cette diaspora sur la « marginalisation » anglophone, elle qui avait opté pour l’exil volontaire vers « l’eldorado » américain ou européen. Son envie de fracasser le pays aujourd’hui pou...

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