Monnaie : au-delà des nouvelles coupures
- Par Rousseau-Joel
- 12 déc. 2022 09:49
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Ces jours-ci, on parlera d’argent plus que d’habitude, à l’occasion de la mise en circulation, le 15 décembre prochain, de la nouvelle gamme de billets émis par la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC). Ce sera après la célébration, du 19 au 22 novembre dernier, du cinquantième anniversaire de cette institution qui émet le franc CFA, la monnaie commune à six pays : Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad. Un anniversaire célébré dans un contexte particulier marqué par deux faits majeurs : la dépréciation de l’euro face au dollar et une réflexion sur la relation entre la monnaie et le développement en Afrique centrale. La monnaie unique européenne à laquelle est arrimé le F CFA a baissé de près de 15% depuis janvier 2022. L’euro se trouve ainsi au plus bas depuis 20 ans. Cette conjoncture a des conséquences jusqu’en Afrique centrale et de l’Ouest. Car cette dépréciation touche le F CFA, indexé sur la devise européenne et utilisé dans 14 pays africains zones (CEMAC et UEMOA). On assiste ainsi au renchérissement du coût des importations facturées en dollars. En outre, pour les pays endettés en dollars, la dépréciation de l’euro pèse lourd sur les finances publiques. « Quand le franc CFA perd 20 % de sa valeur par rapport au dollar, cela signifie que le remboursement de la dette libellée en dollars augmente de 20 % », explique Kwami Ossadzifo Wonyra, économiste à l’université togolaise de Kara. Cas pratique, le Cameroun. En novembre 2022, Richard Evina Obam, le Directeur général de la Caisse autonome d’amortissement, déclarait que « du fait de cette dépréciation, l’encours de la dette publique extérieure a enregistré une hausse de 245 milliards de F en glissement mensuel, 480 milliards de F en glissement trimestriel, et 573 milliards de F sur un an ». Les seuls gagnants de cette dépréciation de l’euro sont les exportateurs des pays de la Zone franc. « Mais, l’effet de compétitivité lié à la baisse du franc CFA est limité par le fait que les exportations, en majorité constituées de matières premières, sont principalement libellées en dollars », minimise l’économiste Carl Grekou du Centre d’études prospectives et d’informations internationales. Cette baisse de l’euro face au dollar relance le débat sur l’utilité du franc CFA. Les partisans de cette monnaie insistent sur la stabilité qu’elle offre car elle ne fait pas l’objet d’attaques spéculatives, du fait de son taux de change fixe, et garantit une inflation modérée, d’après eux. En lien avec le régime de change fixe, la BEAC soutient que « les évolutions de la politique monétaire ont contribué à la stabilité du cadre macroéconomique dans la CEMAC, favorisant ainsi la croissance et la résilience des économies dans un contexte d'incertitudes croissantes ». Mais, cette stabilité se paye cher, objectent les personnes opposées à cette monnaie. Toujours est-il que le constat est là, implacable. Aucun pays africain utilisant le F CFA n’a réalisé son décollage économique en 50 ans. Est-ce aussi et exclusivement la faute à cette monnaie ? Pour répondre à cette question, convoquons le deuxième élément du contexte de la célébration du cinquantenaire de la BEAC. Il s’agit de la tenue à Libreville, les 17 et 18 novembre 2022, du Colloque sous-régional de haut niveau qui a porté sur le thème : « Monnaie et développement en Afrique centrale ». A l’ouverture des travaux, le président de la Commission de la CEMAC, le Pr Daniel Ona Ondo, a rappelé que le choix du thème des assises s’inscrit dans l’esprit des résolutions des sommets extraordinaires des chefs d’Etat de la CEMAC tenus les 22 novembre 2019 et 21 août 2021. On se souvient qu’à Yaoundé il y a trois ans, en ce qui concerne la coopération monétaire avec la France portant sur le franc CFA, les plus hautes autorités de la sous-région avaient « décidé d’engager une réflexion approfondie sur les conditions et le cadre d’une nouvelle coopération. A cet effet, elles ont chargé la Commission de la CEMAC et la BEAC de proposer, dans des délais raisonnables, un schéma approprié conduisant à l’évolution de la monnaie commune ». Avant d’arriver à ce schéma, Daniel Ona Ondo constate que « la monnaie et surtout la manière dont elle est gérée peuvent être à la base ou non du développement rapide des nations ». Pour preuve, poursuit-il, « des travaux qui datent de la fin des années 90 consacrés à l’analyse des caractéristiques d’un échantillon de 100 pays, selon les politiques monétaires notamment de taux de change (voir Frédéric Atlan et All, 1998), ont montré que presque tous les pays dont l’économie ne comportait aucune restriction aux mouvements de capitaux et aux flux de balances courantes, et qui possédaient un taux de change flexible, ont accédé rapidement au statut de pays émergent ; contrairement aux pays qui disposaient d’un taux de change fixe ». On comprend donc pourquoi en Afrique, nombreux sont les analystes qui expliquent le sous-développement de certains pays par leur appartenance à la Zone franc, un système monétaire qu’ils qualifient « d’asymétrique ». Les conclusions de ces auteurs vont dans deux directions, rappelle le président de la Commission de la CEMAC : pour les uns, partisans du big bang, les pays africains doivent purement et simplement se débarrasser du franc CFA et créer une monnaie propre &ag...
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