Chefferies traditionnelles : et droits de l’Homme

Une vidéo choquante devenue virale a fait le tour des plateformes socionumériques la semaine dernière. Selon divers témoignages, l’image en question est celle d’une jeune homme d’une trentaine d’années, copieusement bastonné par les doogaris (gardes) d’un lamidat dans le Nord, chefferie traditionnelle située dans le département de la Bénoué. La scène se serait déroulée le 26 février 2023 à Ngong (localité du ressort de cette chefferie) où une altercation aurait opposé la victime à un commis du lamido. Accusé et reconnu coupable d’« injures publiques », l’homme a été conduit manu militari dans l’enceinte du lamidat où il a reçu, en guise d’exécution de la sentence prononcée par le tribunal coutumier de céans, pas moins de 120 coups de fouet. Sur la vidéo en circulation sur les réseaux sociaux, on voit de larges marques de blessures laissées par les matraques utilisées par ses bourreaux. Après plusieurs heures de torture, l’infortuné sera ensuite abandonné sans assistance sur la voie publique. Mis au fait de cet incident, le gouverneur de la région du Nord a convoqué dans ses services le lamido pour que ce dernier lui explique de vive voix cet acte qui a choqué l’opinion nationale. 
Ce qui s’est passé au lamidat n’est pas, hélas, un cas isolé. Au Cameroun, certaines chefferies traditionnelles fonctionnent comme de véritables enclaves étatiques au sein de l’Etat. Il n’est pas rare de voir des chefs outrepasser les limites de leurs prérogatives comme auxiliaires de l’administration pour exercer des exactions sur leurs concitoyens. Plusieurs d’entre elles semblent asseoir leur autorité, leur influence et leur réputation sur des traitements inhumains et dégradants, des enlèvements, l’embastillement, la confiscation des biens, les rackets, les intimidations et le chantage à l’endroit des citoyens vivant sur leur territoire. Il y a un an, un cas d’homicide consécutif à un châtiment exercé par les gardes d’un lamidat sur un adolescent a défrayé la chronique dans la région du Nord. Ces pratiques ne sont pas l’apanage de certaines institutions traditionnelles implantées dans le septentrion. Il y a quelques semaines, une maladresse protocolaire d’un chef de communauté à l’endroit d’un grand dignitaire traditionnel a provoqué des incidents interethniques dans la région de l’Ouest. La soldatesque d’un monarque s’en est pris brutalement à ce représentant de communauté, après lui avoir ôté ses attributs.  Il y a quelques années, un Fon dans le Nord-Ouest, s’était aussi rendu tristement célèbre pour ses méthodes de brutalité.
Ces incidents et bien d’autres frasques questionnent les limites du pouvoir traditionnel relativement aux libertés publiques et aux droits des personnes. Certes, les chefferies traditionnelles, émanations des guerres de conquêtes et des razzias doivent leur maintien à l’existence d’une « armée » de gens aguerris et dont le rôle, à l’époque, consistait en la protection du chef et du territoire contre les attaques extérieures. Mais, ces pratiques d’une autre époque se montrent résistantes à la modernité. Ici et là, des prisons ou chambres secrètes de torture existent servent à toutes sortes de pratiques inhumaines et à l’embastillement des citoyens qui montrent des velléités d’insubordination aux monarques. Des gardes tels des milices privées ont droit de vie et de mort sur les populations. Ces derniers avec ou sans la bénédiction du « roi » lèvent arbitrairement des impôts sur les récoltes des paysans, et les cheptels des éleveurs, et sur les commerçants, arrachent les terres aux po...

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