Justice : ces ignorances préjudiciables
- Par Jean Francis
- 03 mars 2025 11:13
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Le 18 février 2025, le quartier Mvog-Ada, en plein cœur de la capitale camerounaise, a été sous les feux des projecteurs avec un très fort déploiement d’éléments de la police nationale. Au centre de ce remue-ménage, la « reconstitution des faits » suite à une affaire de nourriture contaminée à l’urine par une jeune dame qui y tenait un commerce. La manière dont cette affaire a été menée respectait-elle les règles en la matière, notamment en ce qui concerne la reconstitution des faits ? Difficile de répondre par l’affirmative, si l’on en juge par les réactions, pas toujours positives qui en ont résulté. L’une d’entre elles est venue de la Chambre nationale des experts criminels du Cameroun qui, par le biais d’un collectif d’avocats, s’est engagée à défendre la mise en cause et son compagnon, pour avoir dénombré de « nombreux manquements » dans le cadre de l’enquête diligentée par le commissariat central n°4 de la ville de Yaoundé. En clair, les droits des mis en cause n’auraient pas été entièrement respectés. Il faut pourtant le relever, ces différents manquements, qui peuvent être assimilés à des violations des droits des mis en cause, de nombreux Camerounais les vivent au quotidien. Généralement par ignorance des dispositions légales en vigueur.
La « reconstitution des faits » du quartier Mvog-Ada a-t-elle obéi aux principes qui régissent cette opération, dont le fait que celle-ci se déroule sous la direction d’un juge d’instruction, après que tout soit désormais clair sur la culpabilité des mis en cause ? Les différentes sorties enregistrées viennent certainement apporter une réponse à cette préoccupation. Le renvoi des suspects pour complément d’enquête par le parquet du Tribunal de grande instance du Mfoundi il y a quelques jours vient sans doute le confirmer. La reconstitution des faits comme d’autres éléments de justice, à l’instar des perquisitions, sont des actes particulièrement encadrés par le législateur camerounais. S’agissant de ce dernier cas, et comme l’a malheureusement relevé, Fonkwe Joseph Fongang, le président de la Chambre judiciaire de la Cour suprême le 21 février dernier à l’occasion de la rentrée solennelle de la haute juridiction, très peu de perquisitions obéissent aux règles établies en la matière. En effet, combien de justiciables savent-ils qu’un mandat de perquisition est obligatoire pour cette opération, sauf cas de flagrant délit ou de crime ? Ils sont très peu nombreux à savoir que la perquisition doit se dérouler en présence de témoins. Beaucoup ignorent également que le maître des lieux ou le détenteur des biens à saisir ou leur représentant ont le droit de fouiller l’officier de police judiciaire avant que celui-ci n’entreprenne la perquisition. Des exemples de ce type foisonnent. Que dire par exemple des garde-à-vue et même de la détention préventive ? Si la plupart des justiciables ne sont pas au fait de ces règles qui les protègent, même si, en matière pénale, il est admis que « nul n’est censé ignorer la loi », il faut malheureusement relever que ceux qui s’emploient à ne pas les appliquer ont été formés pour les respecter.
Lors de sa rentrée solennelle dans le cadre de l’année judiciaire 2025, la Cour suprême, par la voix de ses deux chefs, est donc abondamment revenue sur le non-respect de ces règles qui doivent régir l’exercice de la justice. Dans ses réquisitions sur le thème « la sanction de l’inconduite de l’agent public au cours de l’action répressive », le procureur général près la haute juridiction, Luc Ndjodo, a souligné que « pour espérer instaurer une certaine harmonie, il importe que tous, y compris l’Etat lui-même et ses agents, se soumettent à la loi ». Or, regrette-il, « la position privilégiée de l’Etat et de ses agents l’expose cependant à des tentations ». D’où les nombreuses dérives régulièrement enregistrées.
Pour faire face à ces nombreuses dérives qui donnent une mauvaise image de la justice, le législateur camerounais a mis sur pied une Commission d’indemnisation des personnes victimes de garde à vue ou de détention provisoires abusives. Institu...
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