« Il devient impérieux d’intégrer des spécialistes des TIC et de l’IA dans la riposte »

Pr. Frank Ebogo, spécialiste et enseignant de géostratégie, directeur du Laboratoire d’analyses des dynamiques internationales et géopolitiques, Université de Yaoundé II-Soa.

Les mouvements terroristes utilisent désormais les technologies les plus sophistiquées pour menacer la stabilité des Etats. Cela rend-il le combat plus complexe ?
Les menaces asymétriques posent un réel défi sécuritaire dans la mesure où elles érodent la souveraineté des Etats, et surtout son monopole dans l’usage de la violence légitime. Aujourd’hui, on est passé à l’hybridation de la guerre, nouvelle stratégie des dimensions régulières et irrégulières dans la projection des forces. Par conséquent, l’utilisation des technologies sophistiquées par les mouvements politico-militaires rend la lutte contre le terrorisme plus complexe pour plusieurs raisons. Primo, les technologies sophistiquées, à l’instar de l’intelligence artificielle, permettent aux terroristes de mieux se coordonner et de coordonner leurs attaques en les rendant furtives, efficaces et efficientes. Dès lors, il devient difficile pour les Etats de détecter et de prévenir de telles attaques. Secundo, grâce aux réseaux sociaux et de nombreuses plateformes en ligne, les entreprises terroristes peuvent aisément recruter des individus disposant d’une bonne connaissance dans le domaine des TIC. Le développement des cryptomonnaies favorisent l’opacité et la difficile traçabilité des opérations de financement des activités terroristes. Cette ingénierie de pointe peut désormais permettre aux terroristes de lancer des attaques cybernétiques contre les points névralgiques du dispositif de défense d’un Etat, à l’instar des infrastructures critiques (systèmes de transport, réseaux énergétiques, etc.)


Quelle analyse faites-vous de la riposte (militaire, économique, politique) mise en place double plan national et sous régional dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ?
La sécurité des personnes et des biens est une mission régalienne de tout Etat souverain. Cependant, certains Etats africains, en situation chronique de défaillance structurelle, peinent à assurer convenablement leur propre sécurité. Dans ce cas, les réponses aux menaces terroristes sont essentiellement extraverties, c’est-à-dire qu’elles sont coordonnées à partir des communautés de sécurités, à l’instar de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC), de la Communauté économique de développement de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ou encore de la Commission du Bassin du Lac-Tchad (CBLT). Dans d’autres Etats africains, la riposte, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme s’organise tant bien que mal en fonction des ressources mobilisées. Au Cameroun, la réponse militaire, qui avait bénéficié d’un grand soutien national s’était organisée autour d’une projection efficiente des forces régulières (l’armée et la gendarmerie) et des forces spéciales (notamment le Bataillon d’intervention rapide). Par ailleurs, le gouvernement a développé des plans d’urgence en faveur du développement de certaines régions sinistrées. Cette réponse non-militaire qui s’attaque aux causes structurelles du terrorisme (sous-scolarisation, pauvreté, chômage, exclusions sociales, etc.) participe de la gouvernance décentralisée. En vertu de la nature transnationale de cette menace, le Cameroun a activé les leviers de la coopération sécuritaire avec les Etats voisins et les grandes puissances. Sur le plan bilatéral, la coopération sécuritaire a permis de réactiver les commissions mixtes bilatérales (Cameroun-Nigéria et Cameroun-Tchad) ou de créer un comité de sécurité transfrontalière (Cameroun-Nigéria). Sur le plan multilatéral, la Force multinationale mixte a été réactivée pour permettre une lutte coordonnée contre Boko Haram à travers la mise en place des secteurs militaires. Enfin, grâce aux nombreux accords de coopération militaire, le Cameroun a bénéficié du soutien logistique ou financier des grandes puissances (Etats-Unis, France, Grande Bretagne, etc.) et des puissances émergentes (Chine, Russie, Inde, etc.) dans le cadre de la lutte contre Boko Haram. 


N’y a-t-il pas lieu aujourd’hui d’intégrer des spécialistes des TIC et de l’intelligence artificielle (IA) dans les dispositifs de riposte ? 
Les grandes armées sont celles qui ont su s’adapter à leur temps. Traditionnellement, des experts en sciences humaines ou sociales et des ingénieurs sont devenus des analystes militaires. Aujourd’hui, il devient impérieux d’intégrer des spécialistes...

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