« Des sanctions pénales sont prévues »
- Par Aïcha NSANGOU N.
- 15 déc. 2022 11:28
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Paul Réné Jouonang, expert-Consultant en marchés publics, observateur indépendant.
La semaine dernière, le ministre des Marchés publics a signé deux décisions portant résiliation des marchés et exclusion de certains prestataires de la commande publique. Ces décisions deviennent récurrentes, quel peut selon vous être le véritable problème ?
Le véritable problème est simplement la déviance des acteurs de la commande publique, déviance qui découle des instincts de fraude et de corruption qui malheureusement ont envahi tous les secteurs d’activités socio-économiques de notre pays. Pourquoi la fraude et la corruption ? Je crois que pour mieux cerner les enjeux, il convient de rappeler que les deux décisions du Minmap portent respectivement résiliation de certains marchés passés entre 2016 et 2021 pour défaillance découlant pour la plupart de l’abandon de chantier ou même de non démarrage des travaux, et suspension de certains prestataires de la commande publique pour une période de 24 mois pour production de faux documents, notamment des certificats de non-exclusion des marchés publics. Le véritable problème n’est autre que cette habitude qu’ont désormais les Camerounais à faire de la fraude et de la corruption un principe de base. Et le secteur des marchés publics, comme cela a été démontré notamment par la Conac, est l’un des secteurs dans lesquels la fraude et la corruption pullulent le plus. L’on est prêt à tout pour gagner un marché, quitte à ne pas l’exécuter en fin de compte. Dès lors, tous les subterfuges sont mis en branle pour parvenir à cette fin.
Comme motifs qui reviennent, on a l’abandon de chantiers, insuffisance de financements, etc., comment cela peut-il se justifier ?
Si l’on part du principe que je viens d’évoquer à savoir que le secteur des marchés publics est l’un des nids très moelleux de la fraude et de la corruption, tout se justifie. Ce n’est pas parce qu’ils ont la capacité de réaliser un marché public que les opérateurs économiques camerounais se bousculent aux portes des Maîtres d’ouvrage. En fait, tout se passe comme si c’est justement parce qu’ils sont fauchés qu’ils vont vers le secteur des marchés publics pour se ravitailler. Comme vous le remarquez, les motifs les plus invoqués pour justifier la résiliation des marchés publics sont l’abandon de chantier et l’insuffisance de financement. S’agissant de l’abandon de chantier, comment voulez-vous qu’il en soit autrement lorsqu’on n’a pas gagné un marché avec l’intention de le réaliser véritablement ? En fait, la plupart des commandes publiques sont assorties de ce qu’on nomme l’avance de démarrage, qui est un pourcentage du montant du marché qui est versé au prestataire dès la signature du marché, avant même tout commencement d’exécution. Très souvent, ces prestataires ne s’intéressent qu’aux marchés qui contiennent une clause d’avance de démarrage et, une fois cette avance perçue, ils disparaissent dans la nature, parfois sans même avoir esquissé un début d’exécution. Et je dois avouer pour le déplorer, que le pouvoir réglementaire a donné aux opérateurs économiques du secteur des marchés publics, de nombreuses opportunités pour faciliter ces manœuvres frauduleuses. Je ne citerais ici qu’un seul exemple : le cautionnement de l’avance de démarrage qui, aujourd’hui, peut être délivré par une compagnie d’assurance et non pas seulement par une banque. L’on va ainsi se contenter de verser des commissions de moindre coût à l’assurance pour obtenir ce document, alors qu’avec la banque, il fallait disposer dans son compte bancaire de liquidités suffisantes pour garantir le montant total de l’avance de démarrage sollicitée.
Des décisions de suspension et de résiliation, il y en a à la pelle. Avez-vous l’impression que ce soit vraiment la solution ?
Il est évident que lorsque le pouvoir réglementaire a prévu une sanction, il faut la mettre en application. Donc de mon point de vue, la question ne se pose pas. Par contre, l’on devrait se demander si ces sanctions sont assez suffisantes pour freiner l’expansion du phénomène. Pour moi, la réponse est non. Si elles étaient suffisantes en effet, le phénomène serait moins récurrent.
Aussi, remarquez que le min...
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