Interview : « Ces initiatives créent des emplois »

Ces dernières années, l’Etat et ses partenaires privés ont mis en place une batterie de programmes pour encourager l’entrepreneuriat agropastoral en milieu jeune. Quelles retombées peut-on observer au plan national ?
Il y a quelques années, l'entrepreneuriat agro-pastoral n'était pas une ambition pour certains jeunes camerounais, parce qu'on a toujours vu en cette activité un travail paysan. Mais l’économie a trois secteurs : primaire, secondaire et tertiaire. En réalité, c'est le secteur primaire qui produit certaines matières premières pour le secteur secondaire qui est l'agro-industrie. L’agro-industrie a besoin du développement des activités agricoles. Avec la mise en place de certains programmes agricoles et la création de formations dans l'enseignement supérieur depuis les réformes des programmes en 2017, il y a une vague de jeunes qui se lancent dans le domaine agro-pastoral. Et l'Etat a depuis lors, mis en place des programmes multiformes avec ses partenaires privés et internationaux (FAO, FIDA, PAM) qui ont mobilisé des financements pour inciter les jeunes dans la mise en place de projets agricoles. Des jeunes se lancent dans la pisciculture, les cultures maraîchères, etc. Et ça booste la productivité. Il y a des avancées par rapport aux années antérieures. Ces initiatives créent des emplois, réduisent le chômage, créent un peu de croissance économique. Les jeunes agripreneurs peuvent disposer d’un revenu, consommer, épargner et réaliser d'autres investissements.

Le Cameroun s’est engagé dans la politique d’import-substitution. Quel impact peuvent avoir les programmes dédiés aux jeunes dans l’amélioration de la production locale spécifiquement ?
C’est effectivement la production locale qui va promouvoir l’import-substitution. L’économie a deux variables : la production et la consommation. Si un pays n’arrive pas à produire ce qu’il consomme, il dépendra des autres pays. Le vrai modèle économique est de produire d’abord et de consommer ce qu’on produit et c’est le surplus de production qui est exporté. Là, on entre dans la théorie de l’échange international avec tout ce qu’il y a comme avantages absolus et avantages comparatifs qui ont été pensés par des auteurs comme Adam Smith et David Ricardo, même si cela a été contesté par Karl Marx qui pensait que le système capitaliste qui visait à produire aura une crise de surproduction. Mais Karl Marx avait oublié que cette production allait à l’extérieur quand l’autosuffisance alimentaire allait être réalisée à l’intérieur du pays. En réalité, vous devez d’abord produire. Et ces programmes de développement du secteur agropastoral viennent contribuer à une petite échelle à la promotion de l’import-substitution. Le Cameroun est un grand importateur de poissons, céréales et bien d’autres denrées alimentaires. Ces politiques publiques visent à financer des projets de jeunes pour permettre à la population d’avoir accès à certains biens produits au niveau local. C’est le made in Cameroon. Ces projets encouragent davantage les jeunes à avoir des gains de productivité et à devenir ce que j’appelle des « Dangote agricoles » qui vont créer des agropoles et industries.

Les jeunes entrepreneurs agropastoraux font face à une série de difficultés tant au niveau de l’accès aux financements qu’au niveau de l’écoulement de leur production ou de la formation de la ressource humaine. Comment résoudre ces problèmes ?
Ce sont des problèmes persistants que l'Etat doit éradiquer. Pour produire et transporter des marchandises, il faut que les infrastructures suivent. Sans infrastructures, pas de transport. Si on n’a pas assez d'infrastructures, le niveau de productivité va baisser et la jeunesse se décourager. L'Etat doit mettre en place un programme de développement des infrastructures agricoles et un programme de développement des infrastructures agro-industrielles pour faciliter l'accès à ces zones. Tout cela peut passer par la mobilisation, dans la part du budget national, de moyens nécessaires à leur construction. Au-delà du fai...